Observations sur l’avant-projet de décret relatif aux « micro pratiques anticoncurrentielles »
Vous avez bien voulu demander à l’Association des Avocats Pratiquant le Droit de la Concurrence (APDC) de vous adresser les observations que lui inspire l’avant-projet de décret relatif à ce qu’il est convenu d’appeler les “micro pratiques anticoncurrentielles”, ou “micro PAC”.
Lorsque vous avez reçu les représentants de l’APDC, le 25 juin dernier, ceux-ci vous ont fait part des réserves, voire des craintes, que suscitait chez certains praticiens du droit de la concurrence le principe même de l’instauration d’un régime spécifique des micro P AC.
Dès lors que la possibilité d’un traitement transactionnel des micro P AC deviendrait néanmoins du droit positif, l’avant-projet de décret appelle les observations suivantes, étant précisé que l’APDC apprécie le souci de respect des droits de la défense que reflète ce texte:
1. L’article R.464-l0. I, 1 er alinéa mentionne la communication des ”pièces utiles”. Pour éviter que ce soit exclusivement des pièces à charge, il faudrait prévoir un accès au dossier complet, comme devant le Conseil et la future Autorité.
2. A l’article R.464-l0. I, 2ème alinéa, il est indiqué que “les entreprises peuvent également présenter des observations orales au directeur régional concerné”, alors qu’à l’article R.464-l0. II, 1er alinéa, c’est le “ministre, ou son représentant, (qui) informe ( … ) chaque entreprise concernée de sa décision”.
Il serait bon de préciser que le “représentant” sera le directeur régional concerné, et aucun autre fonctionnaire de la DGCCRF (sauf son directeur général). Il s’agit de préserver la cohérence du système, en s’assurant que la décision sera prise par celui qui aura entendu les observations orales ou par une autorité supérieure, et également de garantir que le traitement des transactions sera effectué à un niveau suffisamment élevé.
3. A l’article R.464-10. II, le texte utilise le terme “amende”. Il vaudrait mieux parler de “sanction pécuniaire”, conformément au code de commerce (L. 464-2).
4. L’article R.464-1O. II, 3ème alinéa utilise l’expression “( … )pour y répondre en retournant un exemplaire signé”, qui est ambiguë. Il serait utile de préciser que le renvoi de l’exemplaire signé peut être accompagné de réserves.
5. Le III. du projet de nouvel article L.464-l0 dispose: “Dans l’hypothèse où l’auteur de
l’infraction a refusé les mesures notifiées ou n Ji a pas répondu ( … ) le ministre chargé de l’économie saisit l’Autorité de concurrence”.
Il nous semble que la saisine de l’Autorité ne devrait pas être automatique, mais rester une simple faculté, notamment pour permettre le cas échéant une discussion entre les entreprises et l’Administration sur le caractère approprié ou sur le réalisme des mesures qu’elle entend imposer.
6. Ce même III. dispose que “le refus d’une ou de plusieurs entreprises concernées est sans effet à l’égard des mesures acceptées par d’autres entreprises”.
Il conviendrait d’ajouter, réciproquement, que l’acceptation de certaines entreprises est sans effet sur le refus de certaines autres. Cela va de soi, mais il est préférable de le dire.
7. Le texte laisse subsister certaines interrogations. Que se passe-t-il si, en cours de procédure, l’Autorité se saisit? Bénéficie-t-elle de tous les éléments de la procédure engagée par la DGCCRF (notamment les écrits et observations orales des entreprises) ?
La transaction entrera-t-elle dans l’appréciation d’une future réitération par l’Autorité ?
8. Enfin, rien n’est dit des recours. Certes, le but même d’une procédure “négociée” est d’éviter le recours au juge. Mais on ne doit pas exclure d’office qu’une entreprise ayant transigé se ravise. En l’état, la juridiction administrative serait compétente, ce qui est contraire à l’esprit de notre système de droit de la concurrence. Il faudrait sans doute unifier. Mais un décret ne saurait modifier la compétence naturelle d’un ordre de juridiction. Il faudrait donc que l’ordonnance prenne en compte cette remarque.
A ce sujet, nous vous serions très obligés de bien vouloir communiquer à l’APDC la dernière version du projet d’ordonnance, car la version dont nous disposons est maintenant ancienne (12 juin 2008) et n’est probablement pas celle qui est actuellement examinée par le Conseil d’Etat. Nous vous en remercions par avance.
Veuillez agréer, Monsieur le Directeur Général, l’expression nos sentiments distingués.
Avocats à la Cour
(L’un d’eux)
PARIS-lf969892103